BF 15 (Superbement dingue)

Des patates, des patates, encore des patates ! Y d’quoi d’venir dingue, dirait Gainsbourg. Eux le sont déjà : le père, vêtu de guenille regarde une télévision dont il ne reste plus que la carcasse mais au milieu de laquelle il a allumé une chandelle. A coté, sa fille épluche des patates tout en rêvant carottes et poi- reaux. Mais, tranche le père « Quand c’est la crise, c’est chacun pour sa pomme

» et « Depuis que la patate a été inventée, il y a plus de famine »… Ils mange- ront donc des patates….Jusqu’à ce que l’idée leur vienne de les vendre. Mais l’argent s’accumule et, avec lui la grande peur qu’on le leur vole… Comment

être certain de ne jamais se faire piquer leur butin ? Le mettre dans une banque

? Creuser un trou, se barricader ?

On ne peut dévoiler  plus de cette pièce sans risquer de compromettre le plaisir de la voir.      Nous indiquerons seulement que le délicat pari de ce huis clos est tenu de bout en bout, dans un constant équilibre entre folie rire et tra- gédie.

Le texte signé de Jean Marc Doron réussit à faire aboutir cette histoire ab- surde en faisant constamment évoluer les deux personnages, pour lesquels Camille Lingelser et Alain Leclerc trouvent le ton impeccable. Surtout, la pièce enfouit derrière cette trame digne d’un reportage de « Strip-tease » l’émission culte, des répliques intelligentes sur la relation père-fille, entre un homme dic- tatorial et une jeune femme qui tente de le dompter. La tentation du repli sur soi, la malédiction de l’argent et, surtout, les infinies possibilités de la folie hu- maine

Youness Bousenna

LA DEPECHE - Festival Avignon Off 2019 - le 10 juillet 2019